Depuis l'origine, les hommes ont imaginé et cherché à illustrer ce qui se trouvait au-delà de l'horizon, déclinant notre planète sous une forme plane, puis de coupole, et enfin de sphère au XVIIe siècle. La 2D devenait alors 3D. Un changement si radical qu'il n'aurait pu échapper aux architectes qui s'en saisirent dans leurs projets. Une fascination que la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Paris (16e) propose de redécouvrir au travers de l'exposition « Globes ».

Il est de ces histoires – avec un petit comme avec un grand H –, qui tiennent parfois du miracle tant elles ne semblent être dues qu'aux seules tribulations du hasard. « Globes » est l'une d'elles ; la définition même de la sérendipité : une découverte réalisée au hasard de recherches portant sur un autre sujet.
L'aventure de cette exposition, et avant elle, de cette thématique de recherche, commence ainsi avec une discussion : celle de son commissaire, Yann Rocher – historien de l'architecture et enseignant –, avec un musicien à qui il demande quelle serait sa salle de concert idéale. Le mélomane répond qu'elle serait sphérique et tournante. Il n'en fallait pas plus pour piquer la curiosité de Yann Rocher. Ce touche-à-tout et chercheur en sciences sociales a en effet exploré des sujets aussi passionnants qu'atypiques : les théâtres utopiques ou encore l'histoire des théories et représentations de la destruction dans la culture allemande, avant de se lancer dans un tel projet. Une transversalité et une ouverture à l'image du sujet décliné en 15 thèmes et 90 projets, présenté à la Cité de l'architecture et du patrimoine jusqu'au 26 mars. Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles.

« L'exposition "Globes" s'adresse aux amateurs de merveilleux comme aux assoiffés d'érudition. Elle révèle en creux la succession de visions sur la planète : fragment du cosmos pour les hommes de la Renaissance, enjeu de conquête scientifique à partir des Lumières, milieu à protéger depuis l'entrée dans l'ère de l'anthropocène. » Yann Rocher, commissaire de l'exposition « Globes »

De l'Antiquité à nos jours, la manifestation tente de retracer l'évolution de la vision sphérique de notre planète. Celle-ci commence au premier siècle avant Jésus-Christ dans les temples romains, dont le plus digne représentant est le Panthéon de Rome construit aux alentours de l'an 125 ; symbolisation s'il en est de la voûte terrestre. Puis « Globes », fait un saut dans le temps et transporte le visiteur au XVIIIe siècle, siècle des Lumières et de l'invention du planétarium, dont la forme n'est plus liée à un imaginaire mais à une théorie scientifique, celle de Galilée, développée un siècle auparavant grâce à l'observation directe des planètes, qu'avait introduite Copernic au XVIe siècle. Avec ces deux figures, c'est tout une représentation du monde qui change. À l'ethnocentrisme succède l'héliocentrisme. Un changement de paradigme, qui met fin aux interprétations erronées, mais qui n'entache en rien l'imagination des architectes.



Voûtes, tholos, rotondes et monoptères se succèdent donc entre les murs de la Cité de l'architecture et de patrimoine, montrés par le biais de planches didactiques – il n'en fallait pas moins pour appréhender un sujet aussi complexe –, et de fascinantes maquettes – dont une grande partie a été spécialement réalisée en impression 3D pour l'événement. Parmi eux, la première sphère architecturale, celle imaginée par Louis-Étienne Boullée, parangon en la matière.
Puis vient le XIXe siècle et avec lui le développement des Expositions universelles, durant lesquelles les architectes rivalisent d'imagination et multiplient les géoramas et autres panoramas tridimensionnels de la Terre grâce auxquels les visiteurs peuvent explorer le globe terrestre, depuis l'intérieur comme depuis l'extérieur. Une course à la représentation à laquelle Yann Rocher donne le nom de « ballet sphérique », à l'image de cette époque de mondialisation et d'ouverture sur le monde où chaque Nation tente alors d'imposer symboliquement sa grandeur.
Au début du XXe siècle, la Terre sert même de support à la propagande soviétique, avant de devenir le symbole d'une conquête à la fois politique et scientifique : celle de l'espace. Soviétiques et Américains se lancent alors dans une lutte acharnée. En 1957, l'URSS réalise la mise en orbite du premier satellite mondial, Spoutnik. Un affront auquel les États-Unis répondent par le programme Apollo, qui mènera l'Homme au-delà d'une frontière qu'il n'avait jusque-là jamais franchie, celle de notre planète, foulant alors le sol de la Lune. Une révolution et une victoire symbolique sur l'ennemi fièrement mise en scène dans le dôme imaginé par Shoji Sadoa et Buckminster Fuller pour l'US Pavilion exposé à Montréal (Canada) en 1967.

Finalement ce n'est pas ici la forme qui compte mais avant tout l'imaginaire qu'elle a suscité, notamment dans l'architecture. Un domaine qui rencontrait alors la géographie, l'astronomie, puis la science-fiction. Les planches et modèles réduits de l'exposition montrant peu d'exemples bâtis existants, on en vient à se demander lesquels de ces 90 projets affichés, ont été réalisés ou simplement fantasmés. Et n'est-ce pas ici tout l'intérêt d'une telle exposition surfant à la frontière des représentations scientifiques et artistiques, aux confins de l'imaginaire et du réel ?

« Globes », jusqu'au 26 mars à la Cité de l'architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, Paris (16e)

Pour en savoir plus, visitez le site de la Cité de l'architecture et du patrimoine

Photographies/Illustrations :
1) Pavillon des USA pour l'Exposition universelle de Montréal, R.Buckminster Fuller,S.Sadao,P.Chermaye,T.Rankie,I.Chemaye,1967 ©Estate of Buckminster Fuller
3) Intérieur du Panthéon à Rome, Giovanni Paolo Panini, 1747 ©Cleveland Museum of Art
4) Étienne-Louis Boullée, projet de cénotaphe de Newton, élévation géométrale ©BNF, Estampes et photographie
5)Maquette de la Terre, Leicester Square, Londres, Illustrated London News, 1851 ©DR
6) Géorama, paru dans L'illustration, 1846 ©DR
7) Monumento colosal en memoria de Cristobal Colon, Chicago et Paris, Scientific American (detail), 1890 ©D.R.
8) Globe céleste (ou Cosmorama), 1897-1900, Le Figaro illustré n°128, novembre 1900 ©DR
9) Alfons Mucha, Pavillon de l'Homme, deuxième version, 1897 ©Galerie nationale de Prague-NG K 31634
10) Elisée Reclus, Globe terrestre au 320 000me pour l'Exposition universelle de Paris, 1900 ©Archives Nationales
11) Elisée Reclus, Globe terrestre pour l'Exposition universelle de Paris, 1900. Coupe ©SIAF-CAPA-Archives d'architecture du XXe siècle Fonds Bonnier
12) Aerial Globe et Globe tower, Saint Louis World's Fair et Coney Island, 1901-1908 ©DR
13) Construction du globe de l'Office central du télégraphe Moscou, Arkady Shaikhet, 1928 ©Coll of Alex Lachmann-Courtesy of Nailya Alexander Gallery
14) Photographie des maquettes 2 et 1, 1965 ©NASA Langley Research Center (NASA-LaRC)-LRC-1965-B701_P-05579

Les Puces du design, du 9 au 12 novembre à Paris Expo, Hall 3.1, Portes de Versailles, Paris (15e)


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